Depuis la loi sur les 35 heures de Martine Aubry, une nouvelle manière d’appréhender le travail a vu le jour. Les loisirs ont pris une importance croissante dans nos vies, les plages de repos et d’oisiveté ont été valorisées et chacun d’entre nous est désormais d’accord pour dire que si le travail est essentiel et occupe une place prépondérante dans nos vies, il doit nécessairement être assorti de période de lâcher prise.
Le passage au numérique a permis de grandes avancées pour les entreprises et pour les collaborateurs de celles-ci. Le télétravail en est une, de notre point de vue. Ainsi, si le télétravail a permis de favoriser un certain équilibre entre vie professionnelle et vie privée, le législateur a également voulu promouvoir et reconnaître un nouveau droit aux travailleurs engendrés par la montée en puissance du numérique et du digital.
Afin d’éviter les dérives, le législateur a inscrit le droit à la déconnexion, depuis la loi du 8 août 2016 aux côtés du droit syndical, du droit de grève… parmi les droits reconnus aux travailleurs.
Le droit à la déconnexion : définition
La loi du 8 août 2016, également appelée loi El Khomri, n’a pas donné de définition claire du droit à la déconnexion.
Ce droit est toutefois consacré à l’article L2242-17 7° du Code du travail, relatif à La négociation annuelle sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie et des conditions de travail, en ces termes « Les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale. À défaut d’accord, l’employeur élabore une charte, après avis du comité social et économique. Cette charte définit ces modalités de l’exercice du droit à la déconnexion et prévoit en outre la mise en œuvre, à destination des salariés et du personnel d’encadrement et de direction, d’actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques. »
Le législateur a toutefois laissé aux entreprises toute la liberté nécessaire afin d’en définir les modalités.
Le droit à la déconnexion, c’est donc une disposition issue de la loi Travail visant à garantir l’effectivité du droit au repos des salariés. L’idée est d’inciter les entreprises à encadrer l’utilisation des outils numériques en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congés.
Qui n’a jamais reçu de mail à des heures tardives, le dimanche ou pendant ses congés ?
Il était donc temps de se préoccuper et d’encadrer ce sujet.
Le droit à la déconnexion, une obligation pour l’employeur de le garantir
L’article L.3121-64 du Code du travail impose ainsi à l’employeur de déterminer les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion prévu au 7° de l’article L .2242-17 ».
Ce droit est consacré par l’intégration de ce thème dans la négociation obligatoire annuelle portant sur la qualité de vie au travail et l’égalité professionnelle.
Cette mention revêt de nos jours une importance grandissante pour les salariés concernés qui sont souvent des cadres et pour qui la tentation est grande d’une connexion permanente avec l’entreprise.
Cette négociation doit mettre en place « des dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que la vie personnelle et familiale ».
Quid des modalités de mise en œuvre ?
Les modalités de mise en œuvre
Comme nous l’avons précédemment évoqué, le but premier du droit à la déconnexion est de garantir un équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée du salarié, de sorte qu’il est impératif que la charge de travail confiée par l’entreprise et que l’organisation autonome du salarié de la gestion de son emploi du temps soient effectués de manière raisonnable.
Respecter un équilibre entre vie professionnelle et familiale
L’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) mis à la disposition des salariés bénéficiant d’une convention de forfait en jourssur l’année doit respecter leur vie personnelle et familiale.
Il est donc fondamental que les salariés bénéficient d’un droit à déconnexion les soirs et week-ends, et pendant leurs congés, ainsi que durant les périodes de suspension de contrat de travail (maladie par exemple), sauf circonstances exceptionnelles bien sûr.
En pratique, cela pourra consister à :
- Éteindre ou désactiver les outils de communication mis à la disposition des salariés (téléphones portables, ordinateurs, messageries) en dehors des heures de travail habituelles
- Définir des plages de travail y compris si décalages horaires pour un travail à l’international.
- Sensibiliser les équipes à un usage raisonné des outils numériques
- Former les salariés à la déconnexion, y compris les managers.
Contrôler l’effectivité du droit à la déconnexion
Inutile d’attendre l’entretien annuel, si un collaborateur estime que son droit à la déconnexion n’est pas respecté, et que sa charge de travail ou son amplitude de travail est contraire à ce droit, il pourra et devra sans attendre alerter son supérieur hiérarchique par tout moyen.
Actions de prévention
Il est préconisé, lors de l’entretien d’embauche d’un nouveau salarié en convention de forfait en jours, de lui délivrer une information spécifique sur l’utilisation des outils de communication à distance.
Chaque année, une sensibilisation des managers et des collaborateurs pourra être réalisée, sur l’utilisation raisonnable des outils de communication à distance.
Un conseil pour éviter le piège de l’hyper-connexion : montrer l’exemple
Une étude menée ces dernières années, relative à la relation des Français avec leur travail pendant les vacances, montre qu’une grande majorité d’entre eux restent connectés !
Il ressort d’une étude menée avant l’épisode de COVID par l’agence d’intérim QAPA, que 62% des Français répondent à leurs emails professionnels en vacances. De même, 42% des Français lisent leurs emails professionnels plusieurs fois par jour pendant leurs vacances… et aujourd’hui, tout le monde trouve cela normal !
Il est très difficile de se couper complètement du monde du travail pour bon nombre de Français, ils utilisent les vacances comme un moment leur permettant de se reposer et non pas de décrocher complètement. Pour de nombreux salariés, l’entreprise est devenue le centre d’intérêt principal de leur vie de telle sorte qu’ils éprouvent des difficultés à lâcher prise.
Afin d’être certains de ne perdre aucune information et de rester performants et disponibles, ils restent connectés, au mépris de leur santé.
Le manque de repos a des conséquences. Le burn-out pourra survenir si les salariés et notamment les cadres ne peuvent pas décrocher de leurs tâches professionnelles.
En tant que collaborateur, il faut donc apprendre à lâcher prise et à décrocher, et pour ce faire s’astreindre à une certaine discipline :
- Ne pas oublier de mettre un message d’absence lors de son départ en vacances, afin de prévenir de son indisponibilité.
- Éteindre son téléphone professionnel.
Enfin, l’employeur soucieux du bien-être de ses collaborateurs pourra, grâce à un peu d’organisation et d’astuce, aider à la déconnexion. En effet, il faudra favoriser les suppléances. En d’autres termes, le collaborateur absent pour congés pourra, dans son message d’absence, envoyer ses interlocuteurs vers un collègue chargé de pallier son absence et de traiter les urgences.
Ainsi, les demandes urgentes seront traitées et vos salariés partiront en congés l’esprit tranquille.
Mesure plus radicale encore, suspendre les moyens de communication de ses salariés pendant les congés d’été.
Le repos n’en sera que plus réparateur et bénéfique.