Les risques psychosociaux ont souvent été résumés sous le terme de « stress ». Plus récemment, c’est le terme « burn-out » qui fait la une des médias.
En parallèle, on parle de la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT ex QVT). Avec comme exemple le fameux babyfoot qui est sensé tout améliorer. Est-ce que la QVCT se limite à installer un babyfoot ? Est-ce que la QVCT vient remplacer les RPS ?
Faisons le point aujourd’hui sur ces risques psychosociaux, les obligations légales des employeurs, la qualité de vie et des conditions de travail et sur les nouveaux RPS qui apparaissent suite aux évolutions du travail (notamment le télétravail).
Les risques psychosociaux
Définition de l’OMS
L’OMS définit les risques psychosociaux comme des risques pour la santé physique, mentale et sociale provoqués par une exposition à des facteurs relationnels et organisationnels et des conditions d’emploi pouvant avoir des effets néfastes sur le fonctionnement mental, physique et social d’un employé.
L’INSERM de son côté définit les RPS comme la combinaison d’un grand nombre de variables, à l’intersection des dimensions individuelles, collectives et organisationnelles de l’activité professionnelle, d’où leur complexité et leur caractère souvent composite.
Les catégories
D’après l’inrs(1) les risques psychosociaux sont regroupés dans 6 catégories de facteurs :
- L’intensité et temps de travail : Surcharge de travail, existence d’objectifs irréalistes ou flous, longues journées de travail, instructions contradictoires, travail en horaires atypiques, imprévisibilité des horaires de travail…
- Les exigences émotionnelles : Tensions avec le public, contact avec la souffrance ou la détresse humaine, exigence de devoir cacher ses émotions…
- Le manque d’autonomie : Faibles marges de manœuvres pour faire son travail, rythme de travail imposé, ne pas pouvoir développer ses compétences, ne pas participer aux décisions…
- Les rapports sociaux au travail dégradés : Relations conflictuelles avec les collègues ou avec la hiérarchie, aucune perspective de carrière, déficit de reconnaissance…
- Les conflits de valeurs : Ne pas être fier de son travail, ne pas pouvoir faire un travail de qualité…
- L’insécurité de la situation de travail : Peur de perdre son emploi, non maintien du niveau de salaire, contrat de travail précaire, restructurations, incertitude sur l’avenir de son métier…
Les obligations légales des employeurs
L’employeur a l’obligation de protéger la santé mentale et physique de ses collaborateurs. Il doit donc impérativement mettre en œuvre des opérations de prévention des risques psychosociaux. En parallèle, des actions d’information et de formation et la mise en place de moyens adaptés doivent également être entreprises.
Le Code du travail (article L. 4121-2) détaille des principes de prévention à caractère général sur lesquels un patron peut se reposer. Parmi ceux-ci, il existe la nécessité :
- d’adapter le travail à l’homme : conception des postes de travail, choix des équipements et méthodes de travail et de production
- de planifier la prévention en intégrant la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants
Dans la mise en œuvre de sa stratégie de prévention, la Direction peut également bénéficier de l’aide du service de santé au travail.
A noter qu’il existe des réglementations spécifiques (en lien avec les facteurs de risques psychosociaux). Par exemple la réglementation liée à la prévention des risques dus au bruit ou au travail sur ordinateur. Des réglementations sont aussi spécifiques à certains types d’organisation du travail (de nuit par exemple) ou encore aux relations de travail (non-discrimination, interdiction du harcèlement moral…).
En cas de non-respect de certains de ces principes et réglementations, c’est la responsabilité pénale de l’employeur qui pourrait être engagée sur la base du Code du travail ou du Code pénal. Sa responsabilité civile pourra même être recherchée en cas de faute inexcusable.
Les indicateurs
Les indicateurs RH de suivi des RPS sont assez standards :
- Absentéisme
- Etude de la pyramide des âges
- Turn-over
- La production (données concernant la productivité et la qualité de la production) ou du service
A ces indicateurs s’ajoutent d’autres éléments chiffrés sur la santé et la sécurité des salariés. Certains sont assez faciles à quantifier, d’autres plus délicats :
- Nombres d’accidents et de maladies professionnelles
- Restrictions d’aptitude
- Troubles de tous genres touchant les salariés (perte de sommeil, agressivité, épuisement…)
Mais alors quel est le lien entre les RPS et la QVCT ?
La QVCT
Premièrement, notons que la prévention des RPS et la démarche de la QVCT ont deux approches similaires. Néanmoins, la QCVT est une démarche plus globale.
En effet, prévenir les RPS, c’est mettre en place des actions pour protéger la santé physique et mentale des salariés, qui pourrait être dégradée par le stress, les violences internes ou externes. Mener une démarche QVCT, c’est repenser les conditions de travail, afin d’instaurer un climat de bien-être pour les salariés.
Les deux démarches ne se substituent pas l’une à l’autre. Pour pouvoir mettre en place une démarche QVCT qui fonctionne et pour faciliter sa mise en place, la prévention des RPS en amont est indispensable.
Rappel des objectifs de la QVCT
Il s’agit de permettre à tout le monde de faire du « bon travail » et de construire progressivement une organisation de travail favorable à la fois à la santé des personnes et à la performance globale de l’entreprise. Pour y parvenir, une démarche QVCT doit viser les objectifs suivants :
- Améliorer les conditions dans lesquelles les salariés exercent leur travail en donnant à chacun la possibilité de s’exprimer et d’agir sur son travail,
- Apprendre à mieux fonctionner ensemble,
- Permettre à chacun de participer aux évolutions de l’organisation pour améliorer le travail d’aujourd’hui et de demain,
- Viser un modèle de développement acceptable et soutenable.
Quels sont les thèmes à aborder dans une démarche QVCT ?
Sur les sujets qui représentent un enjeu pour l’entreprise et les salariés, une démarche QVCT implique, selon l’Anact, de traiter progressivement 6 thématiques fortement connectées entre-elles :
- Le dialogue professionnel et le dialogue social
- L’organisation, le contenu et la réalisation du travail
- La santé au travail
- Les compétences et les parcours professionnels
- L’égalité au travail
- Le projet d’entreprise et le management
Quelle articulation entre démarche QVCT et démarche de prévention des risques (dont les RPS) ?
Certains opposent prévention des risques professionnels et QVCT considérant que la QVCT serait une façon de nier les difficultés rencontrées par les salariés. Pour l’Anact, il s’agit d’approches et de démarches complémentaires qui peuvent s’articuler et s’enrichir mutuellement.
Ce qui rapproche les deux démarches :
- La prévention primaire (agir sur les conditions de travail comme facteurs de risque),
- La compréhension du travail « réel »,
- Une méthode structurée.
Ce qui les distingue :
- La démarche de prévention est obligatoire et touche toute l’entreprise et tous les risques. Elle vise à préserver la santé et la sécurité des salariés,
- La démarche QVCT s’appuie sur l’engagement des acteurs de l’entreprise et concerne tout ou partie de l’entreprise (projet, problématique…). Elle ambitionne simultanément d’améliorer la santé et de contribuer à la performance.
Dans ce cadre, l’entreprise doit identifier l’opportunité et la meilleure façon d’articuler ces deux démarches à partir de sa situation, de ses enjeux et de la réalité de ses pratiques en matière de prévention des risques.
Focus : Coût du stress au travail : Un coût social élevé
En France, le coût social du stress au travail est évalué entre 1,9 et 3 milliards d’euros par an. Cette estimation comprend le coût des soins et la perte de richesse pour cause d’absentéisme, de cessation préée d’activité et de décès prématuré (2)
Les nouveaux RPS
Avec l’évolution des conditions de travail, certains nouveaux risques psychosociaux apparaissent. Prenons l’exemple du télétravail :
Télétravail & RPS
Selon les derniers chiffres de l’insee(3), en 2021, en moyenne chaque semaine, 22 % des salariés ont recouru au télétravail. 9,5% était même en full remote (100% télétravail).
Si le télétravail apporte des avantages tant à l’entreprise (flexibilité, optimisation de l’espace de travail, continuité de service en cas de crise ou d’événement imprévu…) qu’au salarié (meilleure conciliation vie privée/vie professionnelle, diminution de la fatigue liée au transport…), il peut générer des facteurs de risques psychosociaux et des effets sur la santé et la sécurité des salariés.
Parmi les éléments les plus courants, nous pouvons noter
- Charge de travail excessive et stress ;
- Non-respect des horaires de travail et des temps de repos ;
- Isolement du salarié ;
- Non-respect de la vie privée et du droit à la déconnexion (surveillance des salariés excessive, présence managériale abusive…) ;
- Absence d’équipement nécessaire pour effectuer son activité ou difficulté à utiliser les outils informatiques ;
- Nouvelle autonomie de travail difficile à gérer, mauvaise organisation du travail ;
- Gestion difficile du télétravail avec garde d’enfant et vie de famille ;
- Espace de travail non adapté ;
Voici un exemple d’un nouveau point que les entreprises vont devoir adresser rapidement.
En conclusion, la démarche QVCT se veut une démarche plus globale qu’un plan d’actions RPS. On pourrait la rapprocher d’une démarche d’amélioration continue. Cette amélioration continue vise à faire entrer l’approche « QVCT » dans toutes les décisions d’organisation de l’entreprise. Pour autant, les questions de prévention notamment des Risques psychosociaux n’ont pas disparu : elles font partie de la démarche QVCT. Elles n’en sont qu’un des aspects, replacées dans un cadre plus large.
Sources
1/ inrs.fr/risques/psychosociaux
2/ Institut national de recherche et de sécurité, étude réalisée en 2010 basée sur des chiffres de 2007